Alexandra Breukink
11 Jan 2021
Alexandra Breukink
11 Jan 2021
Mot d'ordre 2021
« Soyez miséricordieux
comme votre Père est miséricordieux. »
Luc 6: 36
Un tel impératif, sorti de
son contexte, risque de se transformer en une formule creuse ou un vœux pieux, réduisant
l’enseignement de Jésus à rien de plus qu’une morale à bon marché : le
chrétien doit aimer son prochain ; il doit être gentil ! Ou alors, il
aurait plutôt de quoi décourager ou faire peur : si l’on doit
effectivement être aussi parfait que Dieu, alors qui peut y arriver ?
Est-ce réservé à quelques rares « saints » particulièrement
exemplaires ? Et puis, au demeurant, est-ce vrai que Dieu est
miséricordieux ? Le croyons-nous vraiment ?
Dans l’Évangile selon Luc,
cette exhortation de Jésus est en fait la conclusion d’un passage qui parle de
l’amour pour les ennemis. Jésus gratte là où ça fait mal : aimer ses amis,
ses proches, c’est à la portée de n’importe qui, même des païens et des pécheurs.
Mais aimer ses ennemis, bénir ceux qui vous maudissent, voilà une autre
affaire !
Nos instincts naturels nous poussent
certes à aimer notre prochain, tant qu’il nous ressemble et qu’il nous aime lui
aussi ; mais ils nous poussent aussi et surtout, depuis la nuit des temps,
à haïr nos ennemis. Au mieux, on conclut avec eux un pacte de non agression,
vite dénoncé si les circonstances y obligent ; au pire on veut les
neutraliser, voire les anéantir. Si tu me fais du mal, je te rendrai la
pareille ! Et vice versa… La spirale fatidique de la vengeance et de la
violence sans fin.
Et voilà donc l’enjeu : obéir
à ses instincts naturels, c’est facile ; même ceux qui ne croient ni à
dieu ni à diable aiment leurs proches, sont bons avec ceux qui le sont aussi
avec eux. « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ?
Les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux
qui vous font du bien, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi
agissent de même. Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel
gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de
recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans
rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut,
car il est bon pour les ingrats et les méchants. » (Luc 6, 32-35).
Jésus renverse la logique
humaine. Ce qu’il s’agit de faire, c’est justement de ne pas suivre nos
instincts naturels. Suivre Jésus sur la voie de l’amour, ce n’est pas une
partie de plaisir, où il « suffirait » d’être un peu gentil, un peu
généreux, un peu charitable. Suivre Jésus sur la voie de l’amour, c’est une
attitude radicale, et même scandaleuse aux yeux des Hommes et de leur logique. En
bonne logique humaine, faire du bien à ceux qui veulent profiter de vous, cela
s’appelle de la faiblesse ; et aimer ses ennemis, cela s’appelle de la
trahison. Et pourtant, c’est la voie que Jésus nous demande de
suivre : d’être en fin de compte comme Dieu lui-même. Tout un
programme !
Mais au fait, est-ce vrai que
Dieu est miséricordieux (ou bon, ou généreux, ou magnanime, selon d’autres
traductions de ce même verset) ? En sommes-nous si sûrs ? À bien y
réfléchir, si on s’en tient là encore à la logique humaine, la réponse est non.
Notre conception de Dieu, c’est que justement il devrait penser, raisonner et
agir comme nous-mêmes nous pensons, raisonnons et agissons. Punir les ingrats
et les méchants, récompenser les bons et les vertueux : voilà la justice
de Dieu, à nos yeux. Nous avons une conception très humaine de Dieu.
Et voici que Jésus, une fois
encore, nous parle d’un Dieu très différent ; si différent qu’on peut
l’appeler Père. Un Dieu qui fait lever son
soleil sur les méchants et sur les bons, et qui fait pleuvoir sur les justes et
sur les injustes (Matthieu 5, 45). Un Dieu qui montre qu’il renonce à tout
jamais à la vengeance en se donnant finalement lui-même, jusqu’au bout, sur la
croix, par amour pour sa Création.
La première
conversion que Jésus nous demande, sans laquelle notre changement d’attitude et
de comportement n’est pas possible, c’est de corriger notre regard sur Dieu
lui-même. D’accepter, une fois pour toutes, qu’il aime chacune et chacun ;
qu’il est bon, magnanime, généreux,
miséricordieux, avec tout le monde, et donc aussi avec moi. D’accepter que ce
n’est décidément et définitivement pas à moi de juger si les autres
« méritent » ou non l’amour de Dieu. « Ne jugez point, et vous
ne serez point jugés ; ne condamnez point, et vous ne serez point
condamnés… » (Luc 6, 37).
Est-ce possible ? En
fait, non, ça ne l’est pas. En tout cas pas avec nos propres forces ou notre
seule volonté. Ce n’est qu’en étant changés et convertis par l’Esprit de Dieu que
nous pouvons y arriver. Alors, sans nous lasser, demandons à Dieu de nous
donner son Esprit, afin que nous puissions être pleinement humains, à son
image. « Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes
choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il
le Saint Esprit à ceux qui le lui demandent. » (Luc 11, 13).
Jean-Marc Meyer
La paroisse est un lieu de vie aux facettes multiples. Elle communique une espérance, crée du lien, transmet la richesse de l’histoire... Elle est une grâce, comme la crise sanitaire et...
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