Dans le mot dominer il y a le mot maître. Être maître, être le maître. On maîtrise une situation, on maîtrise des hommes, une nation, un peuple. Il y a dans ce mot quelque chose qui fait peur, quelque chose tout au moins qui provoque en nous comme une réticence.
Dominer c’est encore plus fort, ça va plus loin. On dit parfois de quelqu’un qu’il est dominateur. S’il y a des « dominateurs », il y a des « dominés ». Être dominé, c’est être à la merci de l’autre, un peu comme son esclave.
C’est justement cela que le héros de la foi veut subvertir. Ce héros, justement, qui dominera sur des peuples nombreux, n’est pas le dominateur fabriqué par les hommes. C’est le Prince de la paix et son joug est doux, nous dit l’Écriture, son fardeau est léger.
Notre Prince vient à nous sur une monture royale : un âne. Ses étendards : des oliviers. Son aigle impérial : une colombe. Sa loi : une loi d’amour. Une loi qui bouleverse le champ de la domination. Tout est chamboulé. Tout est renversé. Les priorités ne sont pas les mêmes que dans le monde, le monde des forts, le monde des puissants.
Ce héros est le chantre du partage. Pas un partage facile, du genre : « Tiens, prends ce chèque et va-t-en ! » Ce héros est le chantre de la paix. Pas une paix doucereuse, mais celle qui impose la violence à soi-même, au point qu’en tendant la main à l’autre, l’autre, l’adversaire, l’ennemi, on peut trembler de tout son corps de révolte contenue, mais une révolte maîtrisée, transformée, qui peu à peu se change en acceptation, en ouverture…
Ce héros-là, nous ouvre à un autre regard sur nous, sur les autres, sur le monde. Alors, la terre peut respirer et vivre dans l’attente de la paix, cette paix promise aux hommes de bonne volonté.
Robert Ribier. « Mille textes – Fenêtres ouvertes ». Les Presses d’Île de France ; Paris ; 1996 ; pp. 119-120. |